La communication… On en parle beaucoup, c’est même un terme qui envahit nos vies quotidiennes. Communiquer, échanger, interagir. Ce ne sont que quelques synonymes qu’on entend constamment.
Mais qu’est-ce que le fait de communiquer ? Quelles idées, quelles représentations nous faisons-nous de la communication, et surtout, ces représentations sont-elles fondées ?
Si le terme « communication » est devenu un terme usuel, voir galvaudé, il revêt une réalité obscurcie par beaucoup de mythes.
Parce que derrière nos certitudes, il y a souvent des stéréotypes et des croyances populaires renforcées depuis des décennies par des publications pas toujours aussi sérieuses qu’on le pense.
Voyons donc ce que la communication est, mais surtout, ce qu’elle n’est pas…
La communication : késako ?
Selon le dictionnaire en ligne Larousse.fr, la communication est définie comme une « Action, fait de communiquer, de transmettre quelque chose » et comme « Action de mettre en relation, en liaison, en contact, des choses »
La communication c’est donc ce qui permet aux êtres humains de partager, d’échanger, d’interagir pour mettre en commun une ou plusieurs informations. La notion de communication est ainsi indissociable d’une autre notion, celle de relation.
Pour le psychologue Paul Watzlawick, « on ne peut pas ne pas communiquer ».
La communication est donc essentielle aux êtres vivants et notamment à l’être humain.
Que ce soit par le langage, les indices paraverbaux ou corporels, nous communiquons de façon consciente et volontaire mais aussi de façon inconsciente et automatique.
Longtemps considérés comme des ruptures de communication, les silences sont eux aussi des marqueurs de communication qu’il convient de comprendre selon leur contexte.
Bref, la communication relie les êtres humains entre eux et constitue la base relationnelle sur laquelle toute société humaine est construite.
La communication : Les mythes ont la vie dure
La communication est un des thèmes les plus étudiés en sciences humaines depuis des décennies. Pourquoi alors cette notion est-elle encore entourée de tant de mythes ?
Difficulté d’accéder aux études scientifiques sur le sujet ? Manque de vulgarisation ou au contraire, vulgarisation trop radicale qui finit par trahir le sens initiale des recherches ? C’est un peu tout ça à la fois.
Entrons dans le vif du sujet et explorons les 3 mythes les plus répandus à propos de la communication.
Mythe numéro 01 : La communication est à 93 % non-verbale
Je commence par ce mythe car c’est probablement le plus répandu et… le plus faux.
La légende raconte qu’une étude (rarement sourcée…) portant sur les canaux de communication aurait conclu qu’en situation de communication, 7 % des réponses proviendraient du canal verbal alors que 93 % seraient issues du canal non-verbal.
Dit comme ça, la conclusion est claire : la communication passe en grande majorité par le non-verbal, le langage articulé (une des caractéristiques fondamentales de l’être humain) compterait donc pour si peu dans nos échanges quotidiens…
Une rapide recherche sur Internet montre que cette « conclusion» est largement propagée.
Problème : l’idée des 93 % de communication non-verbale est fausse. Elle constitue même un parfait exemple de détournement d’une information pour lui faire dire l’exact opposé de ce qu’elle dit vraiment !
En 1981, Albert Mehrabian mène une recherche portant sur les canaux de communication utilisés dans l’expression des sentiments et des attitudes de type « Aimer/ne pas Aimer ». Il s’agit donc d’une étude sur un aspect précis de la communication et non sur « LA » communication en général.
Et que conclue cette étude ?
– 7 % des réponses obtenues sont verbales (incluant les indices paraverbaux comme le rythme de la voix, les temps de latence entre les deux mots, etc)
– 38 % des réponses obtenues sont vocales (réponses langagières articulées)
– 55 % des réponses obtenues sont faciales (mimiques, regards, etc)
La première constatation issue de ces résultats c’est que cette étude n’a jamais porté sur la communication non-verbale au sens large. Les seuls indices non-verbaux étudiés se sont centrés sur le visage. Dans cette étude, il n’a donc jamais été question d’étudier la communication non-verbale globale, c’est à dire, les indices comportementaux issus du corps dans sa globalité.
Mais alors, d’où viennent ces fameux 93 % d’indices non-verbaux que d’aucuns répètent inlassablement ?
D’une équation inventée de toute pièce : il a suffit d’additionner les 38 % de réponses vocales au 55 % de réponses faciales. Quand on veut créer une réalité, rien de mieux que de jouer avec les chiffres pour leur faire dire tout et surtout n’importe quoi…
Ici, on a tout bonnement associés des chiffres issus de deux réalités différentes : des réponses vocales (qui par définition ne sont pas de l’ordre du non-verbal mais bien du verbal) et des réponses faciales (qui elles sont inclues dans les indices non-verbaux de la communication).
Si cette étude montre qu’en situation d’exprimer un goût ou un dégoût, la majorité des personnes ont exprimé en majorité des indices non-verbaux faciaux (non-verbal), elle ne dit rien sur la communication de façon générale.
Ce que l’on fait dire à cette étude, à l’inverse, en dit long sur la façon dont on peut manipuler la communication en vue de transmettre de fausses informations.
Tronquer, détourner, inventer, extrapoler… autant de termes qui font aussi partis de la communication et qui permettent de transformer aisément des propos ou des conclusions de recherches.
Albert Mehrabian (qui doit peut-être être saoulé qu’on lui fasse dire ce qu’il n’a jamais dit…) a ajouté une note sur la page Internet qui résume son étude. Il conclue :
« À moins qu’un communicateur ne parle de ses sentiments ou de ses attitudes, ces équations ne sont pas applicables »
(source : http://www.kaaj.com/psych/smorder.html)
Mythe numéro 02 : Le visage est l’élément le plus important pour détecter une communication mensongère
Après avoir pris connaissance des résultats de l’étude de Mehrabian, on pourrait penser que les indices non-verbaux issus du visage sont les meilleurs indicateurs lors d’une situation de communication pour estimer ce que pense vraiment l’interlocuteur ou détecter un mensonge ou une tromperie.
Pourtant, pour Ekman et Friesen, « Les indices qui nous aident le plus ne proviennent pas de ce canal. » (Journal of personality and social psychology, 1974)
Le visage serait même « le meilleur menteur non-verbal » (C. Biland, Psychologie du menteur, 2004)
Les canaux les plus informatifs en situation de communication seraient ceux liés à la voix et à la parole (orale ou écrite) puis ceux liés au corps et seulement après ceux liés au visage.
L’idée d’attribuer au visage autant d’importance est logique mais contre-intuitive.
Les êtres humains quand ils se rencontrent, ont une tendance naturelle à regarder d’abord le visage de l’autre pour se reconnaître et s’identifier (est-ce une personne que je rencontre pour la première fois ? Une personne familière?)
Le visage est aussi la partie du corps sur laquelle la majorité de l’attention et de la concentration se pose lors d’une interaction en vis-à-vis.
Si le visage est une zone très expressive, on a souvent tendance à surestimer les indices non-verbaux qui en sont issus et à négliger les autres canaux de communication : la voix, les paroles prononcées, les indices corporels globaux (ensemble des mouvements, postures et attitudes du corps) qui sont eux aussi porteurs d’informations.
Mythe numéro 03 : Pour bien communiquer, il faut identifier les micro-expressions du visage
Les micro-expressions sont de fines réactions physiologiques qui parcourent le visage lors d’une interaction. Elles sont liées aux états émotionnels et sont très courtes, de l’ordre de 1/2 seconde.
Très à la mode, on parle de la détection des micro-expressions surtout dans le cadre des communications mensongères, l’idée étant que l’on pourrait détecter un menteur grâce à ces fameux micro signaux.
Pourtant, la réalité est contenue dans le terme lui-même : micro.
Une micro expression est si rapide que sa détection est en général possible dans deux situations :
– En situation de recherches en laboratoire où des électrodes sont posées sur le visage et enregistrent les fins mouvements musculaires faciaux.
– Chez des sujets hyper entraînés, qui passent des heures à visionner des enregistrements de visages humains dans des contextes différents.
Autant dire que si les micro-expressions ne sont pas un mythe, croire que l’on peut en situation réelle, lors d’une interaction en directe, détecter ces micro-expressions en est un.
Dans la vie de tous les jours, les interactions sont souvent rapides. Elles mobilisent l’ensemble du corps. Tous les canaux de communication (verbal, paraverbal et non-verbal) s’activent en même temps. Nos niveaux attentionnels fluctuent selon la fatigue, le contexte, la charge cognitive, etc.
Les micro-expressions passent donc souvent totalement inaperçues et ne constituent pas une aide à la communication (et encore moins à la détection d’un mensonge)
Conclusion
La communication est un terme général qui recouvre bien des aspects et des réalités.
En situation de communication, c’est tout l’être psychomoteur qui communique ses états émotionnels, cognitifs, physiologiques et ce, à travers trois canaux de communication : verbal, paraverbal et non-verbal. En situation réelle, ces trois canaux sont actifs en même temps lors d’une situation de communication.
Si communiquer est souvent entendu comme « dire, échanger, parler, interagir, etc » la communication est aussi faite de silences et de stratégies de contrôle. Dans une situation de communication et de relation, on ne montre en fait que ce que l’on veut montrer. On peut décider de partager ou non une information, une émotion, un sentiment, une pensée mais on peut choisir aussi de porter un masque, d’opter pour le fameux « faux-self » momentané.
La communication implique donc aussi tout un tas de stratégies de communication en vue de maîtriser l’image de soi ou de contrôler les messages émis.
Mais, la communication c’est aussi un contexte. Un contexte souvent délaissé au profit d’une focalisation sur la personnalité des interlocuteurs.
Si nous ne pouvons pas ne pas communiquer, à force d’entendre des contre-vérités sur la communication, nous perdons des chances d’en comprendre les rouages et d’en améliorer la qualité.
De quoi ravir les professionnels de la manipulation relationnelle…