Le Titanic n’a pas coulé.
Si vous avez déjà entendu cette phrase, c’est que vous avez croisé une fausse information.
Les fausses informations c’est vraiment très intéressant à étudier parce que ce sont des histoires, rien d’autres que des histoires.
Mais, vous allez voir, les problèmes arrivent quand on se met à prendre des histoires fictives pour des faits réels…
(La transcription de l’audio en texte est disponible plus bas)
🟠 L’épisode :
00:00 Introduction à une célèbre fausse information sur le Titanic
00:29 La petite histoire de Robin Gardiner et de ses fausses théories
05:54 Le mag gratuit « La petite Histoire » contre les manipulations
06:28 3 techniques de manipulation de l’information sur le Titanic
12:00 : Mon travail d’analyse d’écriture sur la fausse « Lettre du Titanic »
12:31 3 astuces pour lutter contre le storytelling mensonger
14:52 Récapitulatif
16:14 Pour lutter contre les manipulations
20:19 : Teaser du prochain épisode (Hypnose régressive – La création de faux souvenirs)
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🟠 Ce podcast s’accompagne d’un magazine gratuit « La petite Histoire » qui vous propose des articles et analyses complètes autour d’histoires de manipulations historiques ou contemporaines.
Vous pouvez télécharger tous les numéros ici
🟠 « La petite Histoire des manipulations » est un podcast dédié à la prévention et à l’éducation contre les manipulations.
À chaque épisode, je vous présente une histoire de manipulation et vous propose d’analyser les techniques manipulatoires utilisées.
Chaque épisode se termine par quelques conseils pour éviter les situations de manipulation et en sortir.
🟠 Une question sur le magazine ou sur le podcast ?
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LinkedIn : Coraline Hausenblas
🟠 Je suis Coraline Hausenblas, psychomotricienne Diplômée d’Etat et auteure.
Passionnée par les notions de communication et de relation, je travaille depuis plusieurs années sur les communications manipulatoires.
Je suis aujourd’hui spécialisée en analyse de documents écrits.
🟠 J’ai publié en mars 2022 une analyse d’écriture complète et chiffrée pour prouver que la « lettre du Titanic » est un faux document historique
Vous pouvez télécharger l’analyse scientifique complète ici :
🟠 Transcription de l’épisode :
« Titanic le bateau qui n’a jamais coulé. »
C’est le titre d’un livre, publié en Angleterre en 1998 et écrit par Robin Gardiner.
C’est en fait, le deuxième ouvrage de l’auteur sur le Titanic.
La même année, les éditions Michel Lafont publient le premier ouvrage de Gardiner : « L’énigme du Titanic » co-écrit avec Dan Van Der Vat.
1998 semble donc être l’année du succès pour Gardiner.
Surtout qu’on est en pleine « Titanic-mania ».
L’année précédente, en 1997, le film à gros budget de James Cameron a ramené dans la mémoire collective le souvenir du naufrage du Titanic.
Et on peut dire que depuis, tout est bon pour gratter un billet.
Et si en plus, on affirme que l’histoire du célèbre bateau et de son naufrage ne sont pas tout à fait ce que les historiens disent depuis 1912, c’est encore mieux.
Parce que Robin Gardiner a choisi de s’inscrire dans un champs particulier de l’information : celui des fausses informations.
Mais, Gardiner est malin. Il a suffisamment de connaissances sur le Titanic pour créer une histoire intéressante.
Gardiner est un vrai passionné du Titanic depuis son adolescence dans les années 60.
A une époque où Internet n’existe pas, il doit parcourir des kilomètres pour se rendre dans les grandes bibliothèques que possède l’Angleterre. Il y passe des heures à étudier des archives de journaux sur des micro-fiches.
Et s’il y a bien une chose que ne peux pas lui enlever, c’est sa ténacité et sa passion.
Il veut tout savoir sur le Titanic. De sa construction sur les chantiers Harland and Wolff de Belfast à la dernière minute de son existence avant sa plongée dans l’eau glacée de l’Atlantique.
En 1996, il co-écrit « L’énigme du Titanic » qui sera publié deux ans plus en France par les éditions Michel Lafont.
Et dans ce livre, il n’est question que d’Histoire avec un grand H !
Le livre est d’ailleurs intéressant car il ne se centre pas sur le Titanic mais, explique les contextes géo-politiques de l’époque.
Il n’y a qu’à la fin du livre qu’on sent que, pour Gardiner, l’Histoire avec un grand H c’est bien, mais c’est pas vraiment palpitant.
Alors, il nous prévient.
Et si, dans la nuit du 14 au 15 avril 1912, ce n’était pas le Titanic qui a coulé mais, son jumeau, l’Olympic ?
Alors quand deux ans plus tard, le livre « Titanic, le bateau qui n’a jamais coulé » est publié, il a de quoi intriguer.
Mais, en le lisant, on est saisi par la différence avec le livre précédent.
L’auteur semble toujours être feru d’Histoire mais, cette fois, il se passe quelque chose de … bizarre.
C’est comme si Gardiner présentait de vrais faits historiques mais, qu’il usait cette fois d’une tactique bien connue dans la manipulation : les pseudo-causalités
Les faits historiques n’existent plus que pour prouver sa théorie : ce n’est pas le Titanic qui a coulé mais l’Olympic.
Gardiner n’est plus un historien amateur, il est devenu le créateur d’une œuvre de fiction dans laquelle tous les éléments du storytelling sont présents.
Le Storytelling ou schéma narratif en français, c’est l’art de raconter des histoires.
C’est l’art des auteurs, des scénaristes, des écrivains, bref de tous les créateurs d’œuvres de fiction.
Alors peut-être que Gardiner n’est pas sérieux ?
Peut-être qu’il n’a publié son second livre que comme une sorte de roman d’un nouveau genre ?
Non.
Robin Gardiner est très sérieux et il n’en démordra jamais.
Pour lui, le bateau qui est encore aujourd’hui au fond de l’Atlantique, c’est l’Olympic et pas le Titanic !
Et peu importe que des historiens lui prouvent par A plus B que c’est faux.
Avec l’émergence d’Internet, la popularité de sa théorie va littéralement explosée.
Et c’est une toute nouvelle histoire du Titanic qui émerge.
Une histoire dans laquelle les faits ont été remplacé par de la fiction.
Et plusieurs docu-menteurs sont nés de ces histoires d’un nouveau genre.
Alors si vous ne savez pas ce qu’est un docu-menteur et comment ça fonctionne, vous pouvez aller télécharger le numéro deux du magazine gratuit « La petite Histoire » sur mon site coralinehausenblas.com.
Et si vous souhaitez apprendre comment le storytelling a envahi le monde des documentaires, vous allez voir, ça vaut le détour …
Ici aujourd’hui, on va essayer de comprendre comment certains s’y prennent pour nous persuader que la fiction… est une réalité.
On va donc voir tout de suite 3 tactiques que Gardiner, a utilisé dans l’élaboration de sa théorie pour forcer son narratif auprès du public.
Alors la première de ces tactiques, c’est le recours aux accusations gratuites
C’est certainement la technique la plus utilisée et disons le clairement …. la plus dégueulasse.
Cette technique consiste à accuser quelqu’un d’avoir commis un acte moralement et/ou légalement répréhensible.
Et bien sûr, si cette personne est morte depuis longtemps et qu’elle n’est plus là pour donner sa version des faits, c’est encore plus facile…
Si cette personne avait une très forte influence à son époque et qu’elle était assez riche, c’est le jackpot !
On a là, un « méchant », un antagoniste tout trouvé pour créer les bases d’une bonne histoire.
Ben oui, vous le savez, dans toute bonne histoire, il y a toujours un méchant.
C’est d’ailleurs le méchant qui donne souvent tout son sel à l’histoire qui est racontée.
Sans grand méchant, pas de grande histoire.
Alors les fabricants de bobards cherchent toujours un personnage qui pourra jouer ce rôle.
Pour Robin Gardiner, le méchant de son livre est le banquier JP Morgan.
Morgan semble le coupable idéal dans un scénario d’arnaque à l’assurance :
– Il était l’une des personnes les plus riches des Etats-Unis à l’époque.
– Il était considéré comme un financier sans scrupule
Donc lui faire porter le chapeau est un jeune d’enfant.
La deuxième technique c’est le recours à des pseudo-preuves
Là encore, c’est une technique assez répandue quand on cherche à forcer un narratif.
Pour prouver que ce qu’on dit est vrai, il vaut mieux apporter une preuve.
Pour prétendre que quelque chose est vrai, en science comme dans le système judiciaire d’ailleurs, il faut des preuves.
Et les fabricants de fausse info l’ont bien compris.
Alors, il n’est pas rare de les voir présenter des documents qui servent à prouver que ce qu’ils disent est vrai.
Et dans le monde de la fausse information historique, ça prend souvent la forme de photos.
Mais, les photos, c’est bien mais on peut parfois leur faire dire tout… et surtout n’importe quoi.
Une photo n’est qu’un support pris à un moment T.
On a souvent aucunes connaissances des contextes : une photo ne dit jamais ce qu’il s’est passé avant et après qu’on ai appuyé sur le bouton.
Autre problème et de taille : il n’y a rien de plus facile à trafiquer qu’une photo.
Même avant Photoshop, on trafiquait déjà les clichés donc la photo n’est pas forcément le support le plus convaincant.
Mais, il y a un autre problème dont on pense moins souvent : les photos font souvent l’objet d’interprétations.
Trois personnes qui regardent un cliché n’y verront pas forcément les mêmes choses !
Surtout si la photo est riche en détails.
Robin Gardiner lui, a résolu le problème : il ne donne aucune source mais prétend qu’il a « vu » des clichés qui prouvent que le paquebot Olympic a été maquillé en Titanic.
Et où sont les photos d’après Gardiner ? Dans des archives ? Dans un musée ?
Non.
Selon Gardiner, elles se trouvent dans une collection privée. Comprenez chez un particulier qui ne veut pas rendre les clichés public.
Ouais… il faut donc croire sur parole l’auteur en espérant qu’un jour ces fameuses photos soient connues du public ou tout au moins des historiens…
La troisième technique c’est ce que j’appelle « Du vrai pour … beaucoup de faux »
Elle consiste à créer de fausses infos en mélangeant des informations vraies avec des bobards inventés.
Et c’est sûrement la technique la plus redoutable.
Parce que pour aller démêler le vrai du faux, bon courage !
Si les amateurs d’un sujet sauront repérer les failles, le grand public lui n’y verra que du feu.
Noyer les éléments véridiques sous de fausses informations, c’est la grande force des schémas narratifs mensongers.
On voit d’ailleurs cette technique utilisée dans d’autres types de manipulation : les mensonges, les faux documents, ou l’usurpation d’identité.
Et en parlant de faux document, j’ai publié au début de l’année 2022 une analyse d’écriture qui montre que la « Lettre du Titanic » est un canular.
Vous pouvez télécharger cette analyse scientifique, chiffrée et complète ici : https://www.coralinehausenblas.com/analyse-sur-la-lettre-du-titanic/
Alors pour lutter contre les fausses informations, je vous propose 3 astuces :
La première : Toujours vérifier les sources de ce qu’on vous affirme
Les fabricants de bobards détestent donner leurs sources.
Et c’est en général ce qui doit nous mettre la puce à l’oreille !
Quand on nous dit quelque chose qui paraît un « un peu gros », demandez tout de suite la source.
Ça doit même devenir une seconde nature.
Et vous allez voir que le baratin commence :
« Ah je ne m’en souviens plus… je l’ai quelque part… »
ou encore le fameux : « C’est un expert qui l’a dit, mais je ne sais plus son nom… »
Manque de bol, c’est justement son nom que vous devez exiger !
Et bien sûr… vous ne l’aurez pas ou on vous balancera un nom pour qui le terme « expert » est un bien grand mot.
Bref pour ne pas se faire avoir, la règle est simple : pas de sources égal suspension du jugement.
La deuxième astuce est redoutable :
elle consiste à faire passer des corrélations pour des liens de causalités !
L’idée centrale c’est qu’une corrélation n’est pas une causalité !
Si je dis : « JP Mogan possédait Le Titanic » et « Le Titanic a coulé »
C’est une corrélation. Les deux faits sont vrais mais il ne sont pas liés !
Ce n’est pas parce que le Titanic appartenait à JP Morgan que c’est JP Morgan qui l’a coulé !
Ça, ça s’appelle un lien de causalité, ou plutôt une pseudo-causalité.
Tout ce que j’ai fais, c’est prendre deux affirmations et créer de toute pièce un lien de cause à effet totalement artificiel.
C’est comme ça que fonctionne beaucoup de fausses informations : en créant des liens de causalité là où il n’y a que des corrélations !
Donc, on récapitule :
La fabrication de fausses informations repose sur plusieurs techniques dont celles :
– d’accuser gratuitement et de recourir à la stratégie du « bouc émissaire »
– de recourir à des pseudo preuves qui peuvent prendre plusieurs formes dont celles de technologies comme la photo
– de mêler le vrai et le faux pour compliquer la distinction entre les deux
Les fausses infos sont redoutables parce qu’elles sont des histoires au schéma narratif bien construit.
Et comme nous sommes tous sensibles aux histoires, on comprend mieux pourquoi ça marche.
On peut néanmoins se poser quelques questions devant une histoire « trop belle pour être vrai » :
– Vérifier les sources
– Et se méfier des corrélations qui deviennent dans la bouche de certains, des liens de cause à effet.
Robin Gardiner lui est décédé en 2017.
Son travaille sur l’histoire entourant la construction du Titanic est passionnant.
Mais, il a décidé de quitter le champs de l’Histoire pour entrer dans celui des histoires.
Alors on va pas se mentir, pour débusquer les fausses informations, ça prend du temps et de l’énergie.
C’est la grande force de ce type de manipulation qui mise sur le fait que nous ne sommes pas suffisamment armé contre elle.
Alors, le meilleur moyen de lutter contre les manipulations c’est d’apprendre comment elles fonctionnent.
Si le sujet des manipulations vous passionne, rejoignez-moi tout de suite sur le site coralinehausenblas.com et inscrivez vous à la newsletter du site.
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Si vous en avez assez que les manipulations dirigent votre vie, c’est sur coralinehausenblas.com que ça se passe.
Dans le prochain épisode, on parlera d’un autre type de fabrication : la fabrication de faux souvenirs.
Si le recours à l’hypnose est aujourd’hui banalisé, vous verrez que mettre son esprit entre les mains ne n’importe qui peut avoir de sérieuses conséquences.
En attendant de vous retrouver jeudi dans 15 jours,
je vous remercie d’avoir écouté cet épisode et n’oubliez pas :
« Un grand bobard, commence toujours par une petite histoire. »