La communication… On en parle beaucoup, c’est même un terme qui envahit nos vies quotidiennes. Communiquer, parler, interagir. Ce sont des mots qu’on utilise volontiers comme synonymes.
Mais c’est quoi en réalité communiquer ? On a toutes et tous pas mal de représentations sur ce qu’est la communication, mais vous allez voir que certaines de vos représentations sur la communication sont des manipulations qu’on vous vend depuis des décennies.
Communiquer c’est bien joli, mais si la communication est un art, elle peut aussi devenir une arme.
Et une arme sert toujours à blesser ou à tuer.
(La transcription de l’audio en texte est disponible plus bas)
♦
🟠 L’épisode :
00:00 ⇒ Introduction de l’épisode.
01:06 ⇒ Les mythes tuent vos communications.
03:03 ⇒ La communication c’est quoi ?
06:01 ⇒ Mythe 01 : La communication est à 93% non verbale.
11:05 ⇒ Rejoignez-moi sur la Newsletter du site.
11:35 ⇒ Mythe 02 : Le visage est l’élément le plus important pour détecter une communication mensongère.
13:33 ⇒ Mythe 03 : Pour bien communiquer, il faut identifier les micro-expressions du visage.
14:48 ⇒ Conclusion.
♦
🟠 Envie d’aller plus loin dans les connaissances sur la manipulation ?
Ce podcast s’accompagne d’un magazine gratuit « La petite Histoire » qui vous propose des articles et analyses complètes autour d’histoires de manipulations historiques ou contemporaines.
Vous pouvez télécharger tous les numéros
♦
🟠 « La petite Histoire des manipulations » est un podcast dédié à la prévention et à l’éducation contre les manipulations.
♦
🟠 Une question sur le magazine ou sur le podcast ?
contact@expertisededocuments.com
LinkedIn : Coraline Hausenblas
♦
🟠 Je suis Coraline Hausenblas, criminologue/victimologue experte en analyse d’écriture et de documents.
Ancienne psychomotricienne Diplômée d’Etat, mon travail repose sur une approche transdisciplinaire qui mêle psychologie, psychomotricité, linguistique et criminologie.
Je suis membre de l’International Association for Forensic and Legal Linguistics et formée à la psychologie criminelle par le Forensic Criminology Institute de Sitka, USA.
🟠 J’ai publié en mars 2022 une analyse d’écriture complète et chiffrée pour prouver que la « lettre du Titanic » est un faux document historique
Vous pouvez télécharger l’analyse scientifique complète
♦
🟠 Transcription de l’épisode :
Bienvenue dans ce nouvel épisode du podcast, « La petite histoire des manipulations ». Ce podcast est consacré à la criminologie et à la criminalistique.
Je suis Coraline, experte en analyse de documents, et aujourd’hui c’est un jour un peu particulier par ce que dans quelques jours mon premier livre de victimologie va sortir !
Ce livre s’appelle « Communiquer pour manipuler : Comprendre les communications manipulatoires et y échapper » et c’est le premier tome d’une collection de livres qui porte sur les manipulations psychologiques et émotionnelles.
Et si ce premier tome porte sur la communication, c’est pour une raison bien particulière. Et cette raison, c’est que toute manipulation, quelque soit sa forme et quelque soit ses raisons, est toujours en premier lieu une manipulation de la communication.
Pour parvenir à vous faire dire ou faire quelque chose, il faut d’abord casser vos capacités et votre volonté à communiquer sainement. Il faut vous forcer à rentrer dans des schémas de communications biaisés ou toxiques.
Et si depuis quelques décennies on parle beaucoup de communication, il y a aussi beaucoup d’idées totalement fausses qu’on vous vend à son sujet. Et ces idées non seulement ne vous aident pas, mais pire, elles tuent vos capacités de résistance face aux manipulations.
Et vous allez le voir, certaines des croyances que vous avez sur la communication sont elles-mêmes des manipulations.
On va donc voir dans un premier temps ce qu’est la communication, et on va ensuite casser trois mythes à son sujet qui ne sont rien d’autres que des bobards.
—
La communication : c’est quoi ?
Selon le dictionnaire en ligne Larousse.fr, la communication a plusieurs définitions. Mais, on peut en retenir deux.
La communication c’est l’ « Action, fait de communiquer, de transmettre quelque chose » ou encore l’ « Action de mettre en relation, en liaison, en contact, des choses. »
Bon c’est un peu vague. Donc pour le dire autrement, la communication c’est ce qui permet aux êtres humains de partager, d’échanger, d’interagir pour mettre en commun une ou plusieurs informations ou émotions. La notion de communication est donc indissociable d’une autre notion, celle de relation.
Le psychologue Paul Watzlawick disait : « On ne peut pas ne pas communiquer ».
Et c’est vrai.
Que ce soit par le langage, les indices paraverbaux ou corporels, nous communiquons de façon consciente et volontaire mais aussi de façon inconsciente et automatique.
Bref, la communication relie les êtres humains entre eux et constitue la base relationnelle sur laquelle toute société humaine est construite.
En situation de communication, c’est tout l’être psychomoteur qui communique ses états émotionnels, cognitifs, physiologiques et ce, à travers trois canaux de communication : verbal, paraverbal et non verbal. En situation réelle, ces trois canaux sont actifs en même temps lors d’une situation de communication.
Mais si la communication permet de partager des infos et de créer et maintenir des relations, elle implique aussi la mise en place de tout un tas de stratégies de communication en vue de maîtriser l’image de soi ou de contrôler les messages qu’on émet.
Et la communication c’est aussi des contextes. Des contextes auxquels on ne prête pas souvent attention, au profit d’une focalisation sur la personnalité des interlocuteurs.
Mais le plus important peut-être c’est de comprendre que les communications ne sont que ce qu’on en fait. Toute communication peut être ou devenir biaisée ou toxiques.
Le terme communication n’est donc pas intrinsèquement positif. Il y a des communications qui blessent et qui finissent même par tuer.
Et pour ne pas en arriver là, il faut déjà mettre à jour les bobards qu’on vous vend.
—
Mythe numéro 01 : La communication est à 93 % non verbale
Je commence par ce mythe car c’est probablement le plus répandu et… le plus faux.
Ce mythe, je l’ai détricoté complètement dans mon livre « Communiquer pour Manipuler » tellement ses implications sont graves.
La légende raconte qu’une étude (rarement sourcée…) portant sur les canaux de communication aurait conclu qu’en situation de communication, 7 % des réponses proviendraient du canal verbal, c’est à dire des mots que nous prononçons, alors que 93 % seraient issues du canal non verbal, c’est à dire de l’ensemble des gestes et postures de l’ensemble de notre corps.
Dit comme ça, la conclusion semble claire : la communication passe en grande majorité par le non verbal, le langage articulé (une des caractéristiques fondamentales de l’être humain) compterait donc pour si peu dans nos échanges quotidiens…
Et le pire, c’est que la plupart des livres de psychologie, tout comme les médias, ont repris ces conclusions depuis des décennies.
Le seul problème c’est que l’idée des 93 % de communication non verbale est totalement fausse. Elle constitue même un parfait exemple de détournement d’une information pour lui faire dire l’exact opposé de ce qu’elle dit vraiment !
En 1981, Albert Mehrabian mène une recherche portant sur les canaux de communication utilisés dans l’expression des sentiments et des attitudes de type « Aimer/ne pas Aimer ». Il s’agit donc d’une étude sur un aspect précis de la communication et non sur « LA » communication en général.
Et que conclue cette étude ?
– 7 % des réponses obtenues sont verbales (réponses langagières articulées)
– 38 % des réponses obtenues sont vocales (incluant les indices paraverbaux comme le rythme de la voix, les temps de latence entre les deux mots, etc)
– 55 % des réponses obtenues sont faciales (mimiques, regards, etc)
La première constatation issue de ces résultats c’est que cette étude n’a jamais porté sur la communication non verbale au sens large. Les seuls indices non verbaux étudiés se sont centrés sur le visage. Dans cette étude, il n’a donc jamais été question d’étudier la communication non verbale globale, c’est à dire, les indices comportementaux issus du corps dans sa globalité.
Mais alors, d’où viennent ces fameux 93 % d’indices non verbaux que d’aucuns répètent inlassablement ?
Ben d’une gigantesque manipulation des chiffres qui a prit l’apparence d’une équation inventée de toute pièce : il a suffit d’additionner les 38 % de réponses vocales au 55 % de réponses faciales.
Ici, on a tout bonnement associés des chiffres issus de deux réalités différentes : des réponses vocales (qui par définition ne sont pas de l’ordre du non verbal mais du paraverbal) et des réponses faciales (qui elles sont inclues dans les indices non verbaux de la communication).
Si cette étude montre qu’en situation d’exprimer un goût ou un dégoût, la majorité des personnes ont exprimé en majorité des indices non verbaux faciaux, elle ne dit rien sur la communication de façon générale.
Ce que l’on fait dire à cette étude, à l’inverse, en dit long sur la façon dont on peut manipuler la communication en vue de transmettre de fausses informations.
Tronquer, détourner, inventer, extrapoler… autant de termes qui font aussi partis de la communication et qui permettent de transformer aisément des propos ou des conclusions de recherches.
Albert Mehrabian (qui doit peut-être être saoulé qu’on lui fasse dire ce qu’il n’a jamais dit…) a ajouté une note sur la page Internet qui résume son étude. Il conclue :
« À moins qu’un communicateur ne parle de ses sentiments ou de ses attitudes, ces équations ne sont pas applicables »
(source : http://www.kaaj.com/psych/smorder.html)
—
Une petite parenthèse avant de continuer : n’oubliez pas que le meilleur moyen de lutter contre les manipulations, c’est d’apprendre comment elles fonctionnent !
Et pour ça, si cet épisode vous aide et que vous voulez aller encore plus loin pour combattre les manipulations, retrouvez-moi sur la Newsletter du site
C’est là que je réponds à vos questions et que je vous donne encore plus d’informations et de conseils.
👇😃 A tout de suite ! 😃 👇
—
Mythe numéro 02 : Le visage est l’élément le plus important pour détecter une communication mensongère
Après avoir pris connaissance des résultats de l’étude de Mehrabian, on pourrait penser que les indices non verbaux issus du visage sont les meilleurs indicateurs lors d’une situation de communication.
Pourtant, deux chercheurs (Ekman et Friesen), ont mis en évidence dès 1974 que « Les indices qui nous aident le plus ne proviennent pas de ce canal. » (Journal of personality and social psychology, 1974)
Dans son livre Psychologie du menteur, la chercheuse en psychologie Claudine Biland parle du visage comme du « meilleur menteur non verbal » (Claudine Biland, 2004)
Le consensus scientifique actuel s’accorde sur le fait qu’en situation de communication, les canaux privilégiés seraient ceux liés à la voix et à la parole (orale ou écrite) puis ceux liés au corps et seulement après ceux liés au visage.
L’idée d’attribuer au visage autant d’importance est logique mais contre-intuitive.
Les êtres humains quand ils se rencontrent, ont une tendance naturelle à regarder d’abord le visage de l’autre pour se reconnaître et s’identifier.
Le visage est aussi la partie du corps sur laquelle la majorité de l’attention et de la concentration se pose lors d’une interaction en vis-à-vis.
Si le visage est une zone très expressive, le problème c’est qu’on a souvent tendance à surestimer les indices non verbaux qui en sont issus. Et le plus gros problème encore, c’est qu’on en vient à négliger les canaux verbaux et paraverbaux : les paroles prononcées et la voix qui sont porteurs de beaucoup d’informations.
—
Mythe numéro 03 : Pour bien communiquer, il faut identifier les micro-expressions du visage
On va déjà expliquer ce qu’est une micro-expression.
Disons déjà que les micro-expressions sont de fines réactions physiologiques qui parcourent le visage lors d’une interaction. Elles sont liées aux états émotionnels et sont très courtes, de l’ordre de 1/2 seconde.
Très à la mode dans le cadre de la détection du mensonge, l’idée ici c’est que l’on pourrait mettre à jour un menteur grâce à la détection de ces fameux micro signaux.
Pourtant, la réalité est contenue dans le terme lui-même : micro.
Une micro expression est si rapide que sa détection est en général possible dans deux situations :
– En situation de recherches en laboratoire où des électrodes sont posées sur le visage et enregistrent les fins mouvements musculaires faciaux.
– Chez des sujets hyper entraînés, qui passent des heures à visionner des enregistrements de visages humains.
Autant dire que si les micro-expressions ne sont pas un mythe, croire que l’on peut en situation réelle, lors d’une interaction en directe, détecter ces micro-expressions ça ça relève du mythe.
Dans la vie de tous les jours, les interactions sont souvent rapides. Elles mobilisent l’ensemble du corps. Tous les canaux de communication (verbal, paraverbal et non verbal) s’activent en même temps. Nos niveaux attentionnels fluctuent selon la fatigue, le contexte, la charge cognitive, etc.
La réalités c’est donc que en situation de communication réelle, les micro-expressions passent souvent totalement inaperçues et ne constituent pas une aide à la communication (et encore moins à la détection d’un mensonge)
—
Conclusion
Alors pourquoi je vous parle de tout ça ?
C’est pour vous montrer comment le sujet de la communication est noyauté par tout un tas de fausses informations qui vous trompent et vous rendent vulnérables aux manipulations.
La communication est un art complexe. Tellement complexe, qu’il est plus facile pour certains d’inventer de toute pièce des bobards à son sujet.
Si nous ne pouvons pas ne pas communiquer, à force d’entendre des contre-vérités sur la communication, nous perdons des chances d’en sortir quand elle devient toxique.
Les mythes sur la communication sont des armes qui vous blessent et qui tuent vos capacités à résister à une manipulation.
—
Si cet épisode vous a été utile et que vous pensez qu’il pourrait aider d’autres personnes, n’hésitez pas à le partager.
En attendant, de vous retrouver jeudi dans quinze jours pour un nouvel épisode, n’oubliez pas :
« Un grand bobard commence toujours par une petite histoire. »
