Vous entendez souvent dire que l’empathie c’est le fait de comprendre les autres ou encore que c’est le fait d’être sensible aux états émotionnels des autres.

L’empathie nous dit-on, serait donc le fait d’être ému par l’autre, d’être touché par ce que l’autre vit et ressent.

J’ai longtemps crû à ce baratin et je suis sûre que vous aussi.

Et pourtant, il grand temps d’en finir avec la supercherie qui consiste à faire de la sensibilité et de l’empathie des synonymes qu’ils ne sont pas.

 

(La transcription de l’audio en texte est disponible plus bas)

🟠 L’épisode :

00:00 ⇒ Introduction de l’épisode

00:57 ⇒ Empathie ≠ Sensibilité

02:12 ⇒ Ressentir ≠ Percevoir

05:01 ⇒  Rejoignez moi sur la Newsletter

05:35 ⇒ Pour ressentir il faut percevoir… mais l’inverse n’est pas vrai !

07:11 ⇒ L’empathie des tueurs en série : l’exemple de John Wayne Gacy

10:33 ⇒ Conclusion

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🟠 « La petite Histoire des manipulations » est un podcast de criminologie et de criminalistique dédié à la prévention et à l’éducation contre les manipulations.

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🟠 Je suis Coraline Hausenblas, criminologue/victimologue experte en analyse d’écriture et de documents.
Ancienne psychomotricienne Diplômée d’Etat, mon travail repose sur une approche transdisciplinaire qui mêle psychologie, psychomotricité, linguistique et criminologie.

Je suis membre de l’International Association for Forensic and Legal Linguistics et formée à la psychologie criminelle par le Forensic Criminology Institute de Sitka, USA.

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🟠 Transcription de l’épisode :

Bienvenue dans ce nouvel épisode du podcast, « La petite histoire des manipulations ». Ce podcast est consacré à la criminologie et à la criminalistique.

Je suis Coraline, criminologue experte en analyse de documents, et aujourd’hui on va parler d’un problème récurrent quand on entend parler d’empathie : celui de faire passer l’empathie pour de la sensibilité.

On a déjà beaucoup parlé de l’empathie dans ce podcast dans les épisodes 12, 13, 23, et 31.

Et on a souvent vu que la notion d’empathie abordée ici n’était pas toujours celle qu’on entend le plus dans les médias. Car souvent on persiste à définir l’empathie comme la capacité à comprendre l’autre et à ressentir ses émotions.

Et le gros problème dans cette vision de l’empathie, c’est qu’elle repose sur une confusion entre les termes « sensibilité » et « empathie ».

Ces deux termes sont vus comme des synonymes alors qu’ils reflètent des réalités bien différentes.

Sensibilité vs Empathie

On va donc commencer par le commencement et définir ces deux termes pour voir pourquoi il faut arrêter de les prendre l’un pour l’autre.

La sensibilité, c’est la capacité à ressentir les états émotionnels des autres et à répondre par son propre ressenti. La sensibilité, c’est donc un système que nous avons qui nous permet de partager des états émotionnels avec un ou plusieurs individu. Ça nous permet de ressentir des émotions et des sentiments et d’être touché par ceux des autres.

L’empathie elle, est la capacité à percevoir les états émotionnels et les comportements verbaux, non verbaux et paraverbaux de l’autre et de se projeter dans l’expérience de l’autre pour pouvoir anticiper ses réactions et ses besoins.

Alors, ces définitions posées, on peut dire que le point commun entre les deux termes c’est qu’ils sont tous les deux des continuum.

Ça veut dire qu’ils sont plus ou moins présents chez chacun d’entre nous. Chez certains c’est beaucoup, chez d’autres, c’est peu.

Mais c’est bien le seul point commun que ces deux là ont !

Parce que la différence entre les deux est de taille.

Pourquoi je dis ça ?

Parce que si vous avez bien écouté les définitions, vous avez entendu deux verbes qui différencient les deux termes : ressentir et percevoir.

Et ces deux mots sont cruciaux pour comprendre que :

Percevoir, c’est l’activation de tous nos sens face à une information provenant de l’environnement.

Dans ce cas, un ensemble d’informations visuelles, auditives, kinesthésiques etc qui nous parviennent et qui activent notre système de prise en compte de la situation pour nous permettre d’agir de façon adéquate.

Ressentir, ça correspond à l’activation du système émotionnel face à une information de l’environnement.

Pour le dire autrement, nous percevons quelqu’un en souffrance, et l’ensemble des informations qui signent la souffrance de l’autre active notre système émotionnel qui va alors produire une réaction émotionnelle.

Donc, pour percevoir, il n’est pas nécessaire de ressentir ! Mais pour ressentir il est nécessaire de percevoir !

Et c’est là que je sens que je vais vous perdre, donc on va détailler tout ça.

Une petite parenthèse avant de continuer : si ce sujet vous intéresse, rendez-vous sur la Newsletter du site.

Vous pourrez télécharger gratuitement la carte qui récapitule les points essentiels de l’épisode. Mais surtout, c’est sur cette newsletter que la discussion continue.

Si vous voulez aller encore plus loin pour comprendre les dangers qui vous guettent à confondre les notions de sensibilité et d’empathie, posez-moi toutes vos questions sur la Newsletter.

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Donc on va reprendre :

Pour ressentir une émotion, il faut forcément d’abord avoir perçu dans l’environnement une information qui va déclencher cette émotion. Ce qui veut dire que pour que je réagisse émotionnellement, il faut d’abord qu’un système de scan de l’environnement soit activé.

Et ce système c’est l’empathie.

C’est précisément le rôle de l’empathie que de me permettre de scanner mon environnement très rapidement pour acter la présence d’une personne et percevoir tous les indices verbaux, non verbaux et paraverbaux qui montrent qu’elle souffre par exemple.

Cette empathie, elle peut être cognitive et/ou émotionnelle.

Si mon degré de sensibilité est également activé, je vais alors ressentir moi-même tout un tas d’émotions et de sentiments en retour.

Mais à l’inverse, je peux tout à fait percevoir cette personne, je peux tout à fait me rendre compte des indices qui montrent qu’elle souffre… ne pas en être ému du tout.

Et là c’est l’empathie uniquement cognitive qui va être activée.

Dans ce cas, l’empathie m’a permis de scanner toutes les informations de mon environnement et de comprendre de façon cognitive ce qu’il se passe, mais ma sensibilité personnelle n’a pas été activée.

Et c’est exactement comme ça que s’est construit le mode opératoire de certains tueurs en série par exemple.

Et pour illustrer ça, je vais vous raconter une petite histoire.

John Wayne Gacy est un tueur en série qui a sévit aux Etats-Unis dans les années 1970.

Il possède une société de construction et semble mener une vie tranquille. Il est même particulièrement aimé dans son voisinage pour son personnage de clown qu’il incarne dans les goûters d’anniversaire ou encore lors de visites dans les hôpitaux d’enfants malades.

Mais derrière la bonne image sociale du bonhomme, se cache un manipulateur criminel de haute volée.

Il est régulièrement à la recherche de jeunes hommes à qui il promet une place dans sa société.

Et il sait quel profil l’intéresse : de jeunes garçons qui ont déséspéremment besoin d’argent.

Et quand ces jeunes garçons le rencontre pour la première fois, il va tout de suite scanner leurs comportements par une observation fine de leurs discours et de tous les signes non verbaux qui montrent qu’ils ont un besoin urgent de l’argent.

Et il invite ceux qui lui semble le plus vulnérable chez lui au prétexte par exemple d’aller signer les contrats de travail.

Certains jeunes, le suivent, et une fois dans la maison de John Wayne Gacy, ils n’en ressortent pas.

Gacy n’a jamais enlevé une de ses victimes. Il ne les a jamais menacé.

Il a utilisé un système bien huilé : l’empathie.

On a longtemps crû que les tueurs en série étaient dépourvus d’empathie.

Et on a longtemps cru ça, parce qu’on a longtemps crû que l’empathie et la sensibilité c’était la même chose

Des gars comme Gacy ne sont pas privé d’empathie.

Au contraire ! Quand on décortique leur mode opératoire, on voit bien que c’est précisément l’ empathie qui l’ a aidé à scanner rapidement ses cibles pour observer attentivement tous leurs comportements au moment de leur premier échange ( tous les signes qui montrent qu’une communication sympa est en train de s’établir) et c’est ce qui lui a permis d’anticiper tous les comportements futurs de la victime (l’acceptation de le suivre chez lui)

Par contre, son niveau de sensibilité envers ses victimes, est à peu près égal à zéro.

L’empathie, c’est donc un procédé de scan de l’environnement et des personnes qui nous entourent.

Ça nous sert à percevoir notre environnement, les comportements des autres et à anticiper les comportements probables futurs.

C’est comme quand vous jouez aux échecs.

Lors une partie, vous devez observer ce que fait votre adversaire, mais pour remporter la partie, vous devez surtout anticiper son prochain coup. Et vous devez en fonction de cette projection, décidez du votre.

Vous activez donc votre empathie car vous devez observer finement l’ensemble des comportements de l’autre. Mais vous devez éviter d’entrer dans l’émotionnel au risque de fournir des informations sur vous et votre jeu à votre adversaire ou d’être secoué par les émotions qu’il laisse percevoir.

Vous activez votre empathie tout en laissant de côté votre sensibilité, en tout cas le temps de la partie.

Mais vous, vous allez pouvoir récupérer vos émotions une fois la partie terminée.

Alors qu’un tueur en série lui, n’a pas d’émotions pour sa victime et n’en aura jamais.

Conclusion

Alors pourquoi est-ce important d’arrêter de croire que sensibilité et empathie c’est la même chose ?

1) Parce que d’un point de vue sémantique, ces notions correspondent à deux définitions différentes et ce,malgré les nombreuses confusions qu’on trouve un peu partout dans les médias

2) Parce que percevoir et ressentir sont deux activités différentes : si pour ressentir on a besoin d’abord de percevoir, l’inverse n’est pas vrai : pour percevoir, je n’ai pas besoin de ressentir et ma perception peut très bien rester de l’autre cognitif sans qu’aucune émotion ne soit ressentie

3) Il faut comprendre que certains comportements manipulatoires criminels sont réalisés sur la base d’une empathie qui non seulement est bien présente chez le criminel mais fonctionne bien.

Il faut donc arrêter de croire que l’empathie est l’apanage des personnes gentilles et bienveillantes.

Comme on l’a dit et redit dans les épisodes de ce podcast consacrés à ce sujet, l’empathie n’est que ce qu’on en fait !

Elle peut servir à porter assistance, mais elle peut aussi être l’arme le plus affûtée pour porter préjudice à quelqu’un.

J’espère que cet épisode vous a plu et en attendant de vous retrouver mercredi dans quinze jours pour un nouvel épisode, n’oubliez pas :

« Un grand bobard commence toujours par une petite histoire. »